" Mes amis , réveillons-nous . Assez d'injustices ! " L'Abbé Pierre

vendredi 24 février 2017

Attention risque d'implosion du politique !



Fillon ou l'implosion du politique !



Décidément, cette élection présidentielle ne ressemble à aucune autre. L’affaire Fillon n’est que la dernière touche de ce chamboule- tout. Le sentiment de ras-le-bol généralisé devant le si mauvais remake d’un film déjà revu cent fois, percute de plein fouet les " valeurs sûres " du jeu politique ancien.



Le " Fillongate " dépasse de loin tout ce qu’on a connu des Chirac et autres bonimenteurs, dans la mesure où le candidat de la droite a remporté la primaire de son camp sur la vertu, l’intégrité et l’honnêteté, reprochant, en sous texte, à son principal adversaire de ne pas l’être. Aujourd’hui, malgré une conférence de presse visant à le réhabiliter, François Fillon est devant ses contradictions ; l’homme public soi-disant vertueux ne parvient plus à effacer l’homme d’argent, le gagne-petit, prêt à toutes les combines et à tous les conflits d’intérêt pour épaissir son matelas de châtelain. Désormais, comment va-t-il pouvoir imposer son programme d’austérité à la Churchill avec " du sang et des larmes ", pour les pauvres et une baisse des impôts pour les plus riches, 500 000 fonctionnaires en moins et l’allègement du Code du travail ? Aucune opération de communication, aussi habile soit-elle, ne parviendra à faire oublier ces montages mesquins organisés pour s’enrichir sur le dos du contribuable. Et ces " salauds de pauvres " auxquels il veut s’en prendre devront avoir de la mémoire et dire qu’on ne la leur fait pas.

C’est le même Fillon qui, en 2007, avait déclaré la " France en faillite", tentant d’incarner avec sa figure de triste sire, le remède miracle, la potion magique du redressement du pays, administrée comme des lavements, aux salariés, chômeurs, retraités.

Le candidat de la droite est la caricature de la caste politique dont il était jusqu’alors une des têtes de gondole. Il est victime d’abord de lui-même : ce titulaire incontesté du Master d’Hypocrisie politique a été pris à son propre piège. Il s’est fracassé sur l’autel de la vertu. Ce qui apparaissait juste normal avec Sarkozy ou Le Pen, est devenu insupportable à l’ensemble des Français mais surtout à son propre électorat qui s’est senti floué, volé, arnaqué. Il avait tant misé sur le personnage que la déception n’en est que plus grande. Fillon est devenu synonyme de Filou. Le Cahuzac de la droite est désormais disqualifié politiquement. Ce qui choque dans cette affaire est bien le décalage entre les principes affirmés, les valeurs affichées, les propositions de réformes assumées et la réalité des magouilles de bas étage. Il n’est que la énième confirmation du caractère hors-sol de la politique sous la Vème République. Il y a toujours eu des scandales depuis que le Parlement existe. Mais auparavant les députés représentaient des intérêts de groupes sociaux ou de territoires : Untel était le porte-parole des bouilleurs de cru, untel celui des ouvriers, tandis que les autres défendaient, qui l’artisan ou le commerçant, qui le paysan de la Beauce ou de Bretagne… Avec la Vème République, et l’affaiblissement des pouvoirs du Parlement au profit exclusif de l’Exécutif, les députés ne représentent souvent qu’eux-mêmes. Sans moyens, comparativement aux Congressmen américains, ils sont soit des députés godillots, destinés à voter les textes préparés par l’administration, soit une opposition impuissante. A quoi peuvent donc servir des assistants parlementaires dans ce cas ? Telle est la question que nous devrions nous poser avant même de porter un jugement sur l’enrichissement personnel de la famille Fillon.

Ceux qui émergent dans ce vent de folie expriment tout à la fois le ras-le-bol des électeurs mais aussi le besoin d’un renouvellement. Les trois meetings du week-end et l’investiture du candidat socialiste démontrent qu’une page se tourne dans la vie politique française et pas seulement en termes de génération.

Les deux partis de gouvernement qui ont vampirisé l’espace politique des quarante dernières années apparaissent comme à bout de souffle. Le candidat socialiste peut ainsi représenter son camp sans que le premier ministre en exercice et la plupart des ministres soient présents à son investiture. Il peut à la fois soutenir un projet écologiste et social, demander l’abrogation de la loi Travail et soutenir la candidature de Myriam El Khomri ou de Manuel Valls, sans se soucier des contradictions d’un PS en fin de partie.

Un ex-ministre de l’économie d’un gouvernement dit de " gauche " peut ainsi se présenter avec un programme que ne renierait pas " la Revue des deux mondes " ou " le Point " de Franz Olivier Giesbert. Marine Le Pen peut s’afficher sans complexe comme candidate de substitution au grand blessé de de Sablé sur Sarthe et lancer un appel au rassemblement des " patriotes " de droite et de gauche sans choquer personne. Et Jean-Luc Mélenchon se dupliquer en hologramme pour disserter sur la conquête de l’espace !

Certes l’heure est à l’ouverture de nouvelles frontières politiques ; Hamon, Mélenchon et Jadot sont en train de les dessiner, suscitant un formidable espoir chez tous ceux qui ne croyaient plus à la gauche et à l’écologie. Il est urgent qu’ils écrivent ce récit sur le même papier, avec le même crayon, pour ne pas décevoir tous ceux qui les pensent capables de se dépasser. Chiche !



Aux hésitants :



Le " désir de gauche " s’est exprimé nettement à la primaire PS. Oui, en faire réellement une alternative est une nécessité. Mais, pour l’heure, les conditions pour aller dans ce sens ne sont pas données par Benoît Hamon. Le soutien de la campagne de Mélenchon reste le choix le plus efficace pour y contribuer.



Si Valls avait obtenu l’investiture… Voilà qui aurait manifesté un état désespérant du pays et de sa gauche. Le choix effectué par plus d’un million de personnes en faveur de Hamon est donc une excellente nouvelle. Les soutiens de Macron s’étant éloignés, il n’y a donc plus à gauche de base populaire pour le néo-libéralisme autoritaire. Après l’auto-élimination du chef de la bande, Hollande, c’est son porte flingue le plus zélé qui a pris le toboggan direct vers la sortie. On ne va pas bouder son plaisir. Difficile de savoir ce qui a primé, de l’envie irrépressible de se défaire de Valls ou de celle de soutenir la parole d’un socialiste de gauche. Dans les deux cas, c’est quand même bien d’un " désir de gauche " qu’il s’agit.

La question est : qu’en faire ? Dans son discours d’investiture, Hamon s’est refusé à tirer le bilan qui s’impose d’un quinquennat désastreux. Et ceci, dès l’origine (même si ce fut de mal en pis par la suite), avec par exemple la signature sans gloire du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), après laquelle le ton d’ensemble était donné. Cependant, et à juste titre, le principal est pourtant dans la réponse qui va être donnée à une autre question : " et maintenant ? "

Les dangers sont si grands que nombreux sont les appels à se rassembler de manière à battre tous les multiples ennemis d’une réelle alternative à gauche. Ils manifestent sans conteste la suite de ce " désir de gauche " qui, heureusement, reste vivace malgré les reniements. Mais que s’agit-il de rassembler ? Les candidats ? Bien sûr, sinon la portée même du désir serait effacé. Et, on le suppose, en vue d’une politique commune. Donc d’un gouvernement commun. Hamon y a fait directement référence. Mais les gouvernements de gauche unie ont-ils laissé un souvenir miraculeux ? Pour clarifier l’objectif, et vérifier si les bases existent d’un tel gouvernement, il est des questions de forme, et il est des questions de fond. Or, comme le disait Hugo, " "La forme, c'est le fond qui remonte à la surface ".

Commençons donc par la forme. " Ne pas couper des têtes " dit Hamon. Mais avant de savoir s’il le faut ou pas, qui a désigné ces têtes ? Les électeurs de la Primaire ? Nullement ! Le PS, sur lequel ces électeurs n’ont aucun contrôle. S’il faut discuter programme commun, ne serait-il pas logique que le pouvoir de désigner celles et ceux qui vont concourir en juin soit aussi donné au vote citoyen ? N’est-il pas évident sinon que, même si Hamon maintient les grandes lignes de son programme, le choix décisif reste aux mains du PS ? Lequel a déjà désigné une écrasante majorité de candidat-e-s soutenant Hollande et Valls ? Tant que cette contradiction n’est pas levée, et elle ne peut l’être qu’hors des rets du PS, toute discussion de fond a peu d’horizon.

Si, contre ce qu’il vient de confirmer, Hamon prenait le chemin de la prise de distance, en s’en remettant à un choix citoyen indépendant du PS, alors les débats sur les contenus pour une éventuelle concrétisation commune du " désir de gauche " deviendraient sérieux. L’autoritarisme vindicatif et l’esprit de fermeture sont étrangers aux 3 candidats. Sur les questions dites sociétales il devrait y avoir matière à rapprochement (à condition de ne pas y inclure la catastrophique politique éducative poursuivie 5 ans durant). Il y a matière à débattre des conséquences tirées par les uns et les autres, loin d’être identiques, de l’insistance commune mise sur les questions écologiques.

Et il y aurait d’autres questions rien moins que difficiles. A commencer par la faiblesse des réformes institutionnelles prévues par le candidat socialiste plutôt qu’une sortie en bonne et due forme de la 5ème République. Ou le débat incontestablement nécessaire entre les issues type " revenu universel " et celles menant à l’emploi pour tous appuyé sur la sécurité sociale intégrale. Il est par ailleurs impossible de passer à côté de la demande indispensable de sortie de l’OTAN d’un côté, l’engagement dans une très impériale " défense européenne " de l’autre.

Et il y a enfin le respect qu’affiche Hamon du cadre des traités européens. Evidemment, comme toujours avant une élection, il sera proposé de nouveaux traités, s’engageant vers l’Europe sociale. Mais si justement on veut faire en sorte que ça ne finisse pas " comme toujours ", il faut répondre à la seule question qui vaille : que fait-on si l’UE n’en veut pas ? Dans ce cas, on passe outre disent Mélenchon et tous les partisans d’un " plan B ". Et Hamon ?

Débattre, oui. Garder l’esprit ouvert et la main tendue, favoriser évolutions et rapprochements : il y aura besoin de tout le monde dans les rudes combats qui s’annoncent. Ne pas insulter l’avenir, lequel comme le disait Althusser " dure longtemps ". Sauf que voilà, il est certes incontestable que Hamon est bien à la gauche du PS et de Valls ; mais, en l’absence de ces clarifications minimales de forme et de fond, que ce soit d’emblée la gauche qu’il nous faut, c’est une autre affaire. Et pour paraphraser une sentence connue, il y faudrait " encore un effort si vous voulez " vraiment refonder une gauche de gauche…

Dans ces conditions voter Mélenchon et soutenir sa campagne, après comme avant la Primaire du PS, c’est le choix le plus efficace pour qui veut contribuer à remettre à l’endroit ce qui tourne à l’envers. A côté des nombreux convaincus, il y a, comme c’est normal, des hésitations face à ce choix. Et ceci indépendamment de l’entrée de Hamon dans le tableau. Convaincre les hésitant-e-s ne peut se faire en dénigrant les hésitations, en transformant les interrogations en hostilité ou seulement en incompréhensions qu’une simple explication patiente pourrait lever. Tout n’est pas hostilité gratuite, même s’il y en a de trop.

Et il subsiste, pour s’en tenir à certains de mes ami-e-s de la gauche radicale et révolutionnaire, maints débats légitimes d’importance. Et pour chacun de ceux-ci, il convient de mettre en œuvre, de tous les côtés, le " principe de charité " cher à Davidson, pour lequel l’interlocuteur est supposé de bonne foi. Et donc de saisir le noyau rationnel qui le conduit à ses positions de manière à ce qu’un débat puisse s’engager qui ne soit pas de pure dévalorisation.

Mais à ces ami-e-s je veux dire aussi qu’il n’existe aucune proposition politique unique qui soit en mesure de lever d’emblée toutes ces difficultés. Si on met en avant surtout les points qui nous divisent, alors la gauche radicale (et la gauche toute entière) ressemblera chaque jour un peu plus à un champ dévasté par des grenades à fragmentation. Si on ne s’y résout pas, il y a évidemment d’abord un choix à faire. Entre penser surmonter les difficultés en se soumettant à un PS demeurant hégémonique, ou le faire loin de son appareil. Il faut sans hésiter choisir la deuxième option. Et il y faut ensuite des avancées communes et des succès partagés. Et ils ne sont possibles qu’avec la campagne de Jean-Luc Mélenchon. En souhaitant qu’elle s’ouvre maintenant au maximum au lieu de rester réduite à ses soutiens initiaux au risque de stagner.

Si ces deux choix ne sont pas faits, regardons le monde comme il va : cette année ou plus tard viendrait en France aussi l’heure des Trump, des Brexit, de Le Pen. Ces deux choix n’annulent en rien aucun des débats qui divisent à gauche, tous légitimes, et qu’il faut considérer à leur valeur. Mais ils s’imposent.



 

 

 

 

 

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