" Mes amis , réveillons-nous . Assez d'injustices ! " L'Abbé Pierre

mercredi 7 janvier 2015

N'OUBLIONS PAS SACCO ET VANZETTI ... car aujourd'hui à nouveau la justice du petit est chaque jour, sans cesse, baffouée, piétinée ... par une caste de puissants sans foi ni loi !

N'OUBLIONS PAS SACCO ET VANZETTI ...










Let Movie Turn … about human and politics victims ! (Sacco Y Vanzetti (Sacco Et Vanzetti) by Guiliano Montaldo, 1971)



Film basé sur des faits réels, l'affaire Sacco et Vanzetti survenue dans les années 1920 aux Etats-Unis, qui secoua le monde entier, sauf l’Italie sous Mussolini et dont le film permettra la réhabilitation.
Prix d'interprétation masculine au festival de Cannes pour un Riccardo Cucciolla stupéfiant, puisqu’il est même plus complexe que son collègue Gian Maria Volonté, pourtant excellent.
Utilisant des images d’archives du monde entier.
La musique qui permet la rencontre magique de Joan Baez et Ennio Morricone est elle aussi inoubliable.
 
 

Avec un classicisme indémodable, le solide Giuliano Montaldo démonte les rouages d’une machine judiciaire qui a parfois tendance à se détraquer.

Massachussetts, avril 1920. Deux employés d’une manufacture de chaussures perdent la vie suite à un braquage qui tourne mal. La police met rapidement la main sur deux suspects : Nicola Sacco, coordonnier (Riccardo Cucciolla), et Bartholomeo Vanzetti (Gian Maria Volonte), marchand de poissons ambulant, tous deux immigrés italiens anarchistes. Le procès a lieu quelques mois plus tard et la sentence tombe : les deux hommes sont condamnés à mort …



Succinct rappel historique pour remettre la célèbre affaire dans son contexte et pour en retracer les grandes lignes. Au début des années 20, les États-Unis, tout comme l’Europe, subissent de violents remous sociaux. Près de quatre millions de grévistes descendent dans les rues pour réclamer de meilleurs salaires et la réduction du temps de travail ; des manifestations qui dégénèrent parfois en affrontements dans les grandes villes comme à Boston. Un climat social tendu et de nombreux attentats anarchistes créent de la paranoïa, entraînent un dangereux amalgame opéré par l’opinion publique et des mesures de répression à l’encontre de nombreuses personnes de gauche ("de préférence" étrangères) emprisonnées ou obligées de s’exiler. La "peur rouge" commence sérieusement à s’installer : grévistes, étrangers et "bolchéviques" sont alors tous mis dans le même panier. Le 15 avril 1920, un braquage a lieu dans le Massachusetts qui cause la mort de deux hommes. La police porte immédiatement ses soupçons sur un groupe d’anarchistes italiens dont les cambriolages serviraient à financer leurs attentats. Trois semaines plus tard, malgré le fait qu’ils n’aient pas de casier judiciaire, deux hommes venus récupérer leur véhicule dans un garage de la région sont appréhendés. Le garagiste ayant repéré que leurs plaques d’immatriculation étaient fausses avait alerté la police qui leur est ainsi tombée dessus. Détenteurs d’armes à feu, ils sont inculpés pour le hold-up meurtrier. Le 22 juin suivant se tient un premier procès. Un an après, un second procès condamne les deux Italiens à la peine capitale malgré l'absence avérée de preuves. Une campagne médiatique internationale est immédiatement lancée, qui aboutit à la création d’un comité de défense qui parviendra à lever 300 000 dollars dont bénéficiera en partie l’avocat californien Fred Moore, spécialiste des procès politiques (puisque cela en deviendra un en définitive). L’opinion publique est sensibilisée, et cette flagrante injustice vilipendée par une énorme mobilisation mondiale.
 
 

Un autre condamné à mort, Celestino Madeiros, n’ayant plus rien à perdre, avoue de sa cellule avoir fait partie du gang qui avait perpétré le braquage meurtrier, innocentant du même coup Nick et Bart (tels les appelleront tous leurs défenseurs de par le monde). Le juge Thayer refuse de rouvrir le dossier, appuyé en cela par le gouverneur du Massachusetts qui se vante d’être le plus réactionnaire d’entre tous. Malgré de nombreux reports, l’exécution a lieu le 22 août 1927 à la prison de Charlestown. Cinquante ans jour pour jour après leur mort, Michael Dukakis, alors gouverneur du même Etat, réhabilite officiellement les deux hommes déclarant que " tous les déshonneurs devaient être enlevés de leurs noms pour toujours. " Entretemps, Franklin Roosevelt aura déclaré que cette affaire avait constitué " le délit le plus atroce commis en ce siècle par la justice. " C’est l’histoire de cette injustice avérée que nous restitue avec force détails le réalisateur Giuliano Montaldo dans ce film resté surtout célèbre pour la chanson qu’entonne Joan Baez durant le générique de fin, Here’s to you. Ennio Morricone signe pour l’occasion une bande originale inoubliable, utilisé tout en subtilité, sa longue Ballade pour Sacco et Vanzetti également interprétée par Joan Baez étant accolée aux deux plus poignantes séquences du film. Il faudrait en l’occurrence plutôt en conclure que si ces deux scènes s’avèrent aussi bouleversantes, c’est avant tout grâce à l'utilisation de cette magnifique chanson sublimement orchestrée. On l’entend la première fois lors de la séquence pré-générique en noir et blanc, peut-être une des plus mémorable ! Montaldo filme la descente nocturne d’une imposante escouade de policiers à cheval dans un quartier italien, les hommes en uniforme n’y vont pas de main morte pour procéder à l’arrestation de quelques hommes soupçonnés de faire partie d’un groupe d’anarchistes. Dans un noir et blanc très contrasté, nous assistons à une succession d’une efficacité redoutable de plans fixes et de plans tremblotants caméra à l’épaule, donnant l’impression d’une forte tension et d’une grande brutalité. Puis, sur le générique de début avec les images de ces incarcérations continuant à se dérouler en arrière-fond, la musique de Morricone s’élève, la voix de Joan Baez entame sa poignante ballade jusqu’à cette image terrible d’un homme (l’un de ceux ayant été arrêtés) se jetant dans le vide du haut d’un immeuble. C’est l’intolérable abus de pouvoir qui est visé dans cette introduction contextuelle tout sauf fastidieuse, les faits de l’affaire nous concernant plus directement seront ensuite détaillés au travers du procès.
 

 

L'image de cet homme tombant d’un immeuble reviendra hanter nos deux accusés à plusieurs reprises sans que le spectateur sache immédiatement de quoi il en retourne, sans qu’il n’appréhende le rapport qu’elle entretiendra avec l’affaire Sacco & Vanzetti. Le lien s’avère apriori assez ténu, prouvant néanmoins l’appartenance au parti anarchiste de Bartolomeo Vanzetti. Si les deux affaires sont distinctes, vu que celle qui nous concerne va se transformer en procès politique, ce rapprochement aura cependant son importance étant donné que les deux hommes seront en fait condamnés non pas pour le meurtre (qu’ils n’ont pas commis) mais pour leurs origines, leurs convictions politiques et la "subversion" de leurs idées sur la nation qui les a accueillis. Ils auront en quelque sorte été des victimes du climat hystérique de l’époque, de l’intolérance et de la xénophobie. De quoi avoir indigné à juste titre l’opinion publique de ces années-là - d’où résulta un tollé international, et de scandaliser encore aujourd’hui les spectateurs de ce film découvrant l’affaire à l’occasion ! Et, comme l’a très bien expliqué un siècle plus tard Stéphane Hessel dans son célèbre essai, l’indignation étant le ferment de l’esprit de résistance contre toute injustice, un tel film, malgré ses défauts et son manichéisme, demeurera toujours salutaire et utile pour se souvenir que si ce genre d’affaire s'est déjà produit, cela pourrait encore se reproduire sous des régimes sans éthique, fustigeant les droits de l’homme pour mieux sauvegarder la souveraineté nationale. Pour en revenir au film, une fois le générique terminé, il devient en couleurs (le noir et blanc n’étant ensuite plus convoqué, hormis pour les images d’archives, que pour l’exécution finale) et, après l’arrestation de Sacco et Vanzetti, ne quittera quasiment plus le tribunal ou la prison, seule la contre-enquête permettant de sortir de ces lieux assez étouffants. Le film narre alors surtout les deux procès, l’enquête qui se déroulera à l'extérieur, le combat désespéré du comité de soutien ainsi que la marche des deux hommes vers la mort.

 
 

Sacco et Vanzetti est un "film-dossier" passionnant multipliant les effets techniques pour multiplier la force d’impact, couleurs et noir et blancs, floue et images d’archives, reconstitutions historiques et plans serrés sur les acteurs, ... On assiste aussi à un face à face non pas que d’acteurs mais de visions du monde ; avec un Vanzetti comprenant que son statut de martyr pourrait servir de symbole à sa cause et se transformant en tribun défenseur des droits de l’homme, on trouve en face un Sacco plus "humain", refusant la dimension politique de cette affaire, ne pensant qu’à sa sauvegarde, aux retrouvailles avec sa famille, acceptant moralement très mal le fait d’être accusé à tort. Montaldo n’a pas succombé à l’attrait du mélodrame. Ce film procès, trop souvent caricatural dans le cinéma américain, trouve avec le cinéma italien une actualité politique très forte.
 
 
 

Plus de vingt ans avant le maccarthysme, l’Amérique avait déjà versé dans l’hystérie, la paranoïa, l’intolérance et la violation sans vergogne des droits de l’homme, craignant tellement la montée du bolchévisme qu’elle en avait oublié un temps le respect de sa constitution, son principe primordiale de liberté et de justice. En même temps que l’histoire tragique de ces deux émigrés italiens à travers l’un des épisodes les plus noirs de la justice américaine, c’est à une radiographie de cette époque aux USA dont nous gratifient les auteurs de ce film humaniste, formidablement interprété par les deux comédiens principaux mais aussi par Milo O’Shea, l’avocat en nu-pieds, Geoffrey Keen, le juge puritain, et surtout l’intense Cyril Cusak dans le rôle du District Attorney obnubilé par l’envie d’envoyer Sacco et Vanzetti sur la chaise électrique. Sacco et Vanzetti est une belle reconstitution d’époque avec la plupart des extérieurs tournés en Irlande (les vieilles rues de Boston ayant quasiment disparu).
 
 

 
Remember ...
 
Justice crucified !
 
August 22 , 1927