Ceci dit permettez-moi maintenant de vous présenter ce chapeau particulier qui date de
1948. C’est le couvre chef des mineurs de fond de l’époque une protection utile, c’est la
barrette de Léon Léglise, un homme véritable, et je suis fier d’avoir eu son estime et son
amitié. La barrette c’est cela que les mineurs posaient sur un petit bonnet en toile qui
couvrait leur tête et se dénommait béguin.
Léon Léglise de dix ans mon aîné avec son épouse Marguerite était un résistant
authentique de la première heure. Pendant l’occupation nazie ce couple cachait en son logis
ceux qu’on appelait les illégaux, les résistants recherchés par les polices allemande et
française.
C’était chaque jour risquer la mort, la mort qui allait frapper le frère de Marguerite tué
dans les combats de la libération.
Et ensuite après la libération Marguerite en tant que conseillère municipale communiste
continuait à se dévouer pour ses semblables.
Lorsque (un exemple) des femmes de mineurs devant aller à la maternité ou à l’hôpital, ne
savaient pas où mettre leurs enfants et s’adressaient aux soeurs catholiques, celles-ci bien
souvent leur disaient : " allez voir Marguerite Léglise elle va arranger cela ".
Et Marguerite elle-même ou par ses amis recueillait les enfants. Quel bel hommage à
cette femme au grand coeur, à cette conseillère municipale si efficace, toujours
disponible !
Cette barrette je vous la remets. Regardez bien ce qu’elle révèle. Vous y verrez un article
de presse du 21 novembre 1948 indiquant qu’à la fosse 3 de Vermelles Léon Léglise et
Adolphe Legrand (père)
ont été obligés de redescendre au fond
Bruay en Artois des salaires à la tâche divisés par 5 ou 6, les sanctions, brimades accrues,
une exploitation féroce que la corporation n’avait jamais connue, pas même sous
l’occupation nazie. Et dans la même page des articles sur les brutalités policières, la
guerre aux berceaux, la réponse du peuple aux calomnies et terrorisme de Jules Moch.
Et toujours à Bruay en Artois l’odieux comme à Vermelles : "
été remis à la benne "
Léon Léglise du jour remis au fond et d’autres comme lui, c’est chaque jour redescendre
sous terre aux poussières. Demandez au corps médical ce que c’est. C’est se lever chaque
jour à 4 h ½ du matin après une nuit où il n’y a plus d’éveil et de douleurs, que de sommeil.
C’est se rendre à pied au travail ; c’est sur le trajet effectuer plusieurs pauses pour
reprendre son souffle sachant qu’au fond c’est la poussière, les douleurs lancinantes dans
le dos, de plus en plus fréquentes, les difficultés de respirer, l’étouffement. Et chaque
effort physique aggrave les douleurs dans la poussière meurtrière qui lui est pourtant
interdite médicalement.
Essayez un peu d’imaginer un homme dans cette situation, celle qu’a connue Léon Léglise.
C’est lui, qui chaque jour, pour nourrir sa famille de lui-même se rend au travail, conscient
qu’il s’inflige des souffrances, conscient qu’il se suicide un peu chaque jour et chaque jour
un peu plus que la veille. Et chaque jour de travail il renouvelle cette douloureuse terrible
lente course vers la mort.
Pour moi, je le dis tout net c’est la torture, oui la torture physique et morale ; j’en parlais
avec un camarade ancien mineur qui m’a dit :
NON ce n’est pas la TORTURE
C’EST PLUS QUE LA TORTURE
J’ai repris mon dictionnaire LAROUSSE et là j’ai vu que généralement la torture avait
pour but d’obtenir des renseignements.
Alors oui c’était PLUS QUE LA TORTURE ce sadisme gratuit pour faire souffrir, punir.
De quoi ? D’avoir utilisé le droit de grève garanti par la Constitution, par le Statut du
Mineur.
Et mon ami Léon, ce courageux résistant, qui avaient ensuite donné les forces qui lui
restaient dans la bataille nationale du charbon, avant d’être remonté au jour, qu’on avait
redescendu au fond n’a pas résisté. Son état de santé s’est aggravé, il a dû cesser de
travailler. Et ce fut alors une vie de souffrances, au ralenti. Il est décédé à 56 ans en
1967.