" Mes amis , réveillons-nous . Assez d'injustices ! " L'Abbé Pierre

mardi 17 mai 2011

DSK : Sexe et Pouvoir,une vieille histoire du monde


Éros — entendu dans le sens de pulsion sexuelle — et pouvoir entretiennent des relations aussi étroites que conflictuelles. Autant ils apparaissent indissociables, autant ils sont inconciliables et tendent même à s’exclure mutuellement. À y regarder de plus près, on se rend compte que l’Éros et le pouvoir ont plusieurs points communs. D’abord, ils sont fondamentalement de même nature ; il s’agit dans les deux cas de l’affirmation obstinée de soi. Ensuite, ils ont la même finalité, à savoir la jouissance que procure la domination d’autrui. Enfin, les relations de pouvoir sont immanentes aux rapports sociaux et aux relations personnelles, y compris les relations sexuelles, souvent perçues et formulées en termes de pouvoir et de domination. Pour le juriste Alan Dershowitz, le sexuel et le poli­tique sont inséparables : “Sex is politics and politics is sex, and never the twain shall be parted”.

Le pouvoir a une charge libidinale qui explique sa dimension érotique. Source d’excitation sexuelle intense, il est une arme de séduction qui peut prendre plus ou moins d’importance selon les personnalités. Dans la mesure où le pouvoir procure du plaisir érotique, certains n’hésitent pas à le considérer comme un “aphrodisiaque”.Selon la théorie de l’“alpha male syndrom”, les dirigeants politiques “are victims of the hormones that go with political success.” Cette théorie semble s’appliquer également aux serviteurs de Dieu, si on en juge par ces propos de Garry Wills : “the pulpit has always been a libidinous zone”. Incontestablement, le pouvoir fascine : son détenteur devient, pour ainsi dire, un “sex symbol”. Témoignent de cette fascination les déclarations d’amour que reçoivent régulièrement les personnalités publiques.

Souvent, l’amour du pouvoir et de la domination conduit à des dérapages, et ce, du fait qu’il ne cesse de s’étendre. Aussi le code moral derrière la réserve d’énergie a-t-il tendance à s’amenuiser à mesure que le succès grandit. La corruption et le sexe sont les principales voies par lesquelles l’homme de pouvoir abuse de sa position et de ses privilèges. L’exercice du pouvoir sur le corps social et la possession charnelle du corps de l’autre se confondent dans l’esprit du détenteur de l’autorité qui se pose en “conquérant jouisseur”. Or, c’est un réel danger que d’installer la jouissance au cœur de l’exercice du pouvoir, car celle-ci a des visées strictement individualistes. Au lieu de promouvoir la moralité et la communauté, qui supposent un dépassement ou à tout le moins une limitation de l’égoïsme, la jouissance conduit à la jalousie, à l’hostilité et donc à la désunion ; et de ce fait, elle constitue une réelle menace pour l’ordre et la sécurité. Dès lors, un choix s’impose : renoncer à l’Éros pour accéder au pouvoir, ou renoncer au pouvoir en faveur du désir et de la convoitise. Il est clair que l’assujettissement de l’Éros est la condition même de la volonté de pouvoir.

La corrélation entre l’exercice du pouvoir et le renoncement au plaisir n’est pas sans rappeler la thèse de Sigmund Freud selon laquelle la civilisation est fondée sur l’assujettissement permanent des instincts humains. Commençant par l’inhibition méthodique des instincts primaires, la civilisation exige une répression de plus en plus intense de la sexualité, permettant des relations collectives durables et susceptibles de s’étendre. C’est l’inhibition des instincts de destruction qui conduit à la domination de l’homme sur la nature et à la morale individuelle et sociale. L’Éros refoulé est l’énergie de l’histoire. Inversement, la libre satisfaction des besoins instinctuels de l’homme est incompatible avec la société civilisée. En termes freudiens, le principe de plaisir et le principe de réalité sont inconciliables au point d’exiger la transformation répressive de la structure instinctuelle de l’homme. Une telle exigence est la condition préalable du progrès. “Laissés libres de poursuivre leurs objectifs naturels, précisait Herbert Marcuse ,les instincts fondamentaux de l’homme seraient incompa­tibles avec toute association et toute protection durables : ils détruiraient même ce qu’ils unissent. Éros, sans garde-fou est tout aussi fatal que sa contrepartie mortelle, l’instinct de mort.” Pour Freud, comme pour saint Augustin, la destinée de l’humanité, c’est l’obligation de quitter le Paradis et les efforts faits pour le retrouver mais entre les deux termes, l’homme est en guerre contre lui-même, entraîné, dit saint Augustin, par deux amours, le véritable amour d’une part, et la soif du pouvoir, d’autre part.

On peut à titre d’hypothèse établir un lien entre le dirigeant jouisseur et le père primitif qui monopolisait pour lui-même les femmes et soumettait les autres membres de la horde à son pouvoir. Il obligeait ses fils à la renonciation, en les excluant du plaisir suprême. À une époque reculée de l’histoire de l’espèce humaine, la vie fut organisée par la domination : puisqu’il possédait les femmes, le père dominait les autres membres de la horde.




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