RECONNAITRE ET EVALUER UNE CRISE SUICIDAIRE
La notion de "crise suicidaire" offre une méthode pragmatique pour évaluer et prendre en charge une personne à haut potentiel suicidaire.
1 : définition de la crise suicidaire
La crise suicidaire peut être définie comme un moment de crise psychique, au cours de la vie du sujet, où celui-ci va épuiser progressivement ses ressources adaptatives, psychologiques et comportementales et envisager , progressivement, par le biais de distorsions cognitives, le suicide comme seule possibilité de réponse aux difficultés qu'il rencontre et éprouve.
2 : signes d'orientation et de diagnostic
¨ la crise suicidaire se traduit par des signes de rupture par rapport au comportement habituel de la personne, dont le regroupement doit alerter l'entourage et provoquer une assistance professionnelle.
¨ Il peut s'agir de signes manifestes, tels :
Ø la manifestation explicite d'idées et d'intentions suicidaires par le discours ("je veux mourir", "je n'en peux plus", "je voudrais partir…", etc.) ou sous forme de textes, de dessins, chez les enfants en particulier.
Ø l'expression de la crise psychique dans les attitudes, le comportement, les relations interpersonnelles : la personne a un visage triste, douloureux ou inexpressif ; elle peut paraître étrangement absente ; on peut noter un changement de comportement avec l'entourage, un désintérêt ou l'abandon des centres d'intérêt habituels, des décisions irréfléchies, parfois illogiques ou peu compréhensibles, ; une consommation et un recours inhabituel ou excessifs aux médicaments, à l'alcool, aux drogues ; un repli sur soi, une anxiété, une irritabilité, un désinvestissement inhabituels.
Ø des distorsions cognitives : elles traduisent le fait que la personne ne perçoit et n'analyse plus de façon réaliste et objective les événements extérieurs ou ses propres capacités à faire face : elle présente une image altérée et dévalorisée d'elle-même, se sent impuissante à surmonter ses émotions et à affronter les événements de sa vie. Ce sentiment peut confiner au désespoir, à une vision cynique et désabusée d'elle-même et d'autrui, une réduction du sens des valeurs, un sentiment de constriction psychique.
Ø des "comportement de départ" à forte valeur d'orientation doivent être activement recherchés et attirer l'attention : la recherche soudaine d'une arme à feu, le don d'effets personnels investis d'une valeur affective, la rédaction de lettres aux proches ou d'un testament, en sont des exemples.
Les signes d'alerte peuvent varier selon l'âge :
Ø chez l'enfant, la crise psychique sera peu verbalisée et s'exprimera plutôt sous la forme de dessins traduisant des préoccupations pour la mort, par la survenue de plaintes somatiques, des blessures à répétition, une hyperactivité, des troubles du sommeil, une tendance à l'isolement; des troubles des apprentissages ; une réduction des activités ludiques et une tendance à devenir le "souffre-douleur" d'autrui… Des bouleversements familiaux (décès, maladie, séparation…) la maltraitance ou les carences affectives sont des facteurs de vulnérabilité qui doivent être recherchés.
Ø chez l'adolescent, l'expression répétitive d'une intentionnalité suicidaire est un motif suffisant d'intervention. Cependant, il faut également être attentif à un fléchissement inattendu des résultats scolaires, la survenue des conduites déviantes, de prise inconsidérée de risques ou de conduites addictives ; des fugues et des conduites violentes contre soi ou autrui … Les ruptures sentimentales, les échecs scolaires ou autres, les conflits d'autorité, la solitude affective sont des facteurs de vulnérabilité.
Ø chez l'adulte, la crise psychique peut se manifester par des arrêts de travail à répétition, des consultations médicales itératives pour douleurs ou fatigue, des conflits avec la hiérarchie ou le conjoint, un sentiment d'incapacité, d'inefficience ou d'inutilité dans le travail et les relations sociales, etc. Les conflits professionnels ou conjugaux, les maladies graves, la toxicomanie, les blessures narcissiques, l'émigration… sont des facteurs de vulnérabilité.
Ø chez la personne âgée : les idées suicidaires sont rarement exprimées de façon explicite mais plutôt allusivement : "laissez moi partir", "à quoi bon, je dérange tout le monde"… La crise psychique doit être recherchée devant une perte progressive d'intérêt pour les personnes et les activités investies ; un refus de soin, des conduites anorexiques… Chez le sujet âgé, la dépression, les maladies physiques -en particulier celles qui génèrent handicap et douleurs-, les changements d'environnements et le départ en institution (hôpital, maison de retraite…), le décès du conjoint sont des facteurs de vulnérabilité.
3 : L'urgence de la menace suicidaire : URGENCE
Ø deux éléments doivent être pris en compte : l'existence d'un scénario suicidaire et l'absence pour le sujet d'une alternative autre que le suicide.
Ø l'urgence doit être évaluée comme "faible" en l'absence d'un scénario construit, "moyenne" si un scénario existe, mais que sa date de réalisation est éloignée ou imprécise, "élevée" s'il existe une planification précise ou une date arrêtée pour les jours suivants.
4 : La dangerosité létale du moyen suicidaire : DANGEROSITE
Ø doivent être évaluées la dangerosité mortelle du moyen considéré et son accessibilité : la personne peut-elle facilement disposer -lors de l'évaluation- du moyen qu'elle se propose d'utiliser ? Si l'accès au moyen est facile et/ou immédiat, la dangerosité doit être évaluée comme "élevée", l'intervention doit alors être immédiate et viser, en priorité, à empêcher l'accès à ce moyen.
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