La dépression accélère le vieillissement !
Les personnes atteintes de dépression sévère, y compris dans le passé, présentent des signes de vieillissement cellulaire précoce. Les chercheurs planchent sur les moyens d'inverser la tendance.
C'est un effet collatéral méconnu de la dépréssion. La forme sévère de cette maladie psychiatrique fait vieillir plus vite les cellules des malades, révèlent des chercheurs du département de psychiatrie de l'université VU Medical Center d'Amsterdam dans une étude publiée dans la revue Molecular Psychiatry. Un lien suspecté depuis longtemps mais qui a cette fois été montré au niveau chromosomique et que les scientifiques tentent désormais d'inverser.
On savait déjà que les dépressifs développent davantage de pathologies liées à l'âge comme le diabète de type 2, des démences ou des cancers. Leur mauvaise hygiène de vie est en partie incriminée (manque d'exercice physique, mauvaise alimentation, consommation d'alcool et/ou de tabac) mais cela ne suffit pas à expliquer ce phénomène. Les chercheurs suspectaient donc un mécanisme biologique indépendant, lié à la dépression.
Cette étude leur donne raison. En observant le principal marqueur du vieillissement cellulaire, la taille des télomères, ils ont constaté que la dépression accélère leur déclin. Les télomères sont des séquences génétiques qui chapotent les extrémités des chromosomes et protègent l'ADN. Leur taille se réduit au fur et à mesure des divisions cellulaires et reflète donc l'âge de la cellule.
Six ans de perdus en moyenne ! ! !
Pour arriver à cette conclusion, les auteurs ont analysé des cellules du sang de 2407 personnes dont un tiers présentait une dépression sévère datant de moins de six mois, un tiers avait été touché par le passé et le dernier tiers n'avait jamais été malade. Les résultats sont malheureusement sans appel. Les personnes dépressives ou anciennement dépressives ont des télomères plus courts, indépendamment de leur style de vie, reflétant un âge anticipé de 4 à 6 ans en moyenne. L'effet est encore plus fort en cas de dépression très sévère et en cas de symptômes prolongés pendant au moins deux ans, avec l'équivalent de 7 à 10 ans d'années perdues prématurément.
Les mécanismes de ce phénomène n'ont pas été élucidés au cours de cette étude mais pour Jérôme Dejardin, chercheur à l'Institut de génétique humaine à Montpellier (CNRS), ces résultats ne sont pas étonnants. "La dépression, comme d'autres maladies, induit des dérèglements métaboliques et immunitaires avec notamment un stress oxydatif qui semble fortement impliqué dans le raccourcissement accéléré des télomères. Néanmoins, les chercheurs ont analysé leur taille uniquement dans les cellules du sang et elle ne reflète pas forcément la réalité dans toutes les cellules de l'organisme", prévient-il.
Difficile de savoir donc si tous les tissus et organes pâtissent de ce vieillissement prématuré. Une chose est sûre: "Quand les télomères sont trop courts, les cellules ont épuisé leur potentiel de renouvellement et ne peuvent plus régénérer les tissus et les organes, rappelle le Dr Vincent Géli, directeur adjoint du Centre de recherche en cancérologie de Marseille (CRCM, Inserm). C'est pourquoi nous observons l'apparition de rides, de cheveux blancs, etc. mais également de maladies. Il y a par exemple un recoupement entre la faible taille des télomères et l'athérosclérose ou encore les maladies neuro-dégénératives", illustre-t-il.
Cure de jouvence
Ces données sont donc suffisamment préoccupantes pour se demander si ce phénomène est réversible. Une étude parue dans The Lancet Oncology en octobre dernier offre un espoir de récupérer les années perdues. Des chercheurs californiens ont montré que des hommes qui avaient accepté d'améliorer leur régime alimentaire, leur activité physique, la gestion de leur stress et leur réseau social pendant cinq ans avaient des télomères plus longs que d'autres qui n'avaient pas modifié leur mode de vie. "On ne sait pas expliquer ce phénomène, mais peut-être que des mécanismes actifs permettent de rallonger les télomères sous l'influence de certains paramètres", suggère Vincent Géli.
Les auteurs de cette nouvelle étude espèrent bien apporter davantage d'éléments de réponse d'ici à quelques mois. Ils viennent de lancer une étude clinique incluant des sujets dépressifs afin de mesurer la taille de leurs télomères après un traitement antidépresseur ou une cure de sport pendant quatre mois. "Tous les mécanismes pouvant influer sur la taille des télomères seront passés au crible: niveau de stress oxydatif, analyse du système immunitaire, ou encore activité de la télomérase, l'enzyme capable de maintenir la taille des télomères dans les cellules souches ou cancéreuses", détaille Josine Verhoeven, coauteur des travaux au centre VU Medical d'Amsterdam. En attendant, des sociétés privées américaines continuent à plancher sur des remèdes permettant de rallonger les télomères afin de proposer à terme des pilules de jouvence.
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