Un juge juif est un juge …
L'affaire a fait scandale.
Au départ rien que du banal. Un père de famille qui poursuit son ex-compagne pour non respect du droit de visite de ses enfants.
Mais l'avocat du père de famille, Me Alexis Dubruel, du barreau de Lyon, dépose une demande en récusation du juge au motif que celui-ci s'appelle Lévy et que le père de l'ex-compagne se prénomme Moïse. (Le Monde, Le Figaro)
Indignation unanime.
Le premier président de la cour d'appel de Lyon a rejeté la requête, assortissant ce rejet d'une amende de 750 euros, le maximum prévu.
Le bâtonnier de Lyon a saisi le conseil de discipline et adressé une lettre de soutien au magistrat Albert Lévy.
Me Alain Jakubowicz, avocat du magistrat et aussi président de la LICRA, a souligné que cette péripétie "illustre la tendance à l'ethnicisation des rapports sociaux. Bientôt on va vouloir récuser son juge pour son orientation sexuelle ou sa couleur de peau".
Me Alexis Dubruel aura du mal à s'en remettre parce qu'il a fondé de manière ignorante ou provocatrice sa requête sur un article du code prévoyant la récusation d'un juge quand existe "toute manifestation assez grave pour faire suspecter son impartialité". Autrement dit, il présume que cette dernière qualité serait forcément battue en brèche. Il tient pour acquise une dépendance qui évidemment serait aux antipodes de ce qu'exige l'équité du magistrat.
Annonçant cette information par un tweet il y a deux jours, plusieurs réactions très négatives m'ont été transmises qui toutes dénonçaient la démarche de cet avocat.
Je n'ai pas l'intention, en raison d'un esprit de contradiction qui m'est souvent reproché mais qui est la rançon d'une liberté personnelle et intellectuelle sur quelque sujet que ce soit, de m'opposer à ce consensus évidemment hostile à Me Dubruel. Puis-je seulement faire valoir que sur ce thème sensible ce dernier a eu l'imprudence ou le culot, a commis la maladresse de faire apparaître ostensiblement ce qui doit demeurer la plupart du temps dans les fors intérieurs et les soupçons murmurés ? Il n'est personne qui dans le monde judiciaire puisse soutenir avoir été toujours préservé de telles inquiétudes, de telles craintes ou interrogations. Où que ce soit. Devant les juridictions ou les instances ordinales.
Ce n'est pas la pensée qui est reprochée, aussi peu bienveillante qu'elle soit, à Me Dubruel, c'est seulement de l'avoir écrite officiellement. Pourtant, derrière la façade noble, un magistrat n'est pas une entité abstraite, désincarnée, vidée de tout affect, à l'abri de tout préjugé, imperméable à toute influence.
Evidemment que dans la théorie de la justice, dans la beauté des principes, un juge juif, chrétien ou musulman demeure un juge impartial, face à n'importe quelle cause. Citoyen de gauche, de droite ou du centre, le magistrat est sincère quand il est persuadé, se persuade que cette orientation ne l'inclinera, dans aucune affaire, vers une solution moins éclairée que partisane, même avec retenue. Blanc, de couleur ou asiatique, qui osera dénier que cette apparence sera toujours sans effet ?
La multitude des liens, des habitudes et des réflexes qui font l'histoire d'un homme ou d'une femme est-elle donc sans incidence sur la manière dont la justice au quotidien est appréhendée par l'un ou l'autre ? Peut-on soutenir que pour un divorce ou ses suites il soit neutre pour la partie masculine de n'être confrontée en première instance et en appel qu'à des femmes ? Est-il honteux dans une telle occurrence de supputer le pire et de craindre l'inéluctabilité d'une décision renouvelée au bénéfice de l'adversaire féminin ?
Ce n'est pas offenser l'idéal de justice que de formuler ces observations. C'est au contraire le prendre au sérieux, voire au tragique. Il est essentiel, pour se comporter véritablement en grand magistrat et en bon juge, d'être attentif à tout ce qui, sur sa route vers la manifestation de la vérité, est susceptible de l'entraver, de l'égarer. Il faut cesser de s'offusquer quand une possible dépendance politique, religieuse, sexuelle, de solidarité de peau, franc-maçonne ou autre est évoquée. Il ne convient pas seulement de s'en défendre.
Mais démontrer dans sa pratique judiciaire qu'on est capable, si nécessaire, à chaque fois de penser, de juger contre soi, ses tréfonds les plus intimes, ses enfermements les plus secrets, quand la pureté indispensable est au bout.
Rien de plus dur que d'exercer, quand on est soi-même imparfait, une mission qui exige une forme de perfection. Se dépouiller pour mieux servir.
Un juge juif est un juge. Ce n'est pas plus facile pour lui d'être exemplaire que pour tous ses collègues.
Se battre contre soi, tout le temps. Exaltant et épuisant.
CONCLUSION : L’un des plus grands et des plus insupportables privilèges que nous devons aux gouvernements corrompus dans le monde qui sont à l’origine des malheurs publics aujourd’hui est bien celui qui viole d’une façon éhontée et scandaleuse ce principe imprescriptible du droit commun... Qu’elle protège ou qu’elle punisse, la loi doit etre la même pour tous, et si ce n’est pas le cas , cette loi est alors une loi scélérate et parfaitement illégitime. Elle porte alors gravement atteinte au pacte Républicain et aux libertés individuelles. Et elle engendrera alors les pires violences à venir …
Un magistrat, un avocat, un haut fonctionnaire comme un fonctionnaire de police, un homme politique, un technocrate, une personne morale, tous doivent subir la règle du droit commun, et redevenir civilement et pénalement responsables.
A ce sujet , Mirabeau pendant les débats qui ont précédé l’adoption de la Déclaration des Droits de l’homme et du Citoyen de 1789, avait fait cette déclaration si prémonitoire qu’elle est toujours d’actualité : "Si la loi de responsabilité ne s’étendait pas sur tous les agents subalternes du despotisme, si elle n’existait pas surtout parmi nous, il n’y aurait pas de nation sur la terre plus faite que nous pour l’esclavage. Il n’y en a pas qui ait été plus insultée, plus oppressée par le despotisme".
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