" Mes amis , réveillons-nous . Assez d'injustices ! " L'Abbé Pierre

mardi 17 mai 2011

le medecin,responsable du passage à l'acte du suicidé...

Comment évaluer le risque suicidaire et notamment l’imminence ou la gravité d’un passage à l’acte ?

Evaluer le risque suicidaire, c'est reconnaître l'idée de suicide. C'est reconnaître la souffrance morale et la dépression au cours d'une consultation de médecine générale.

Reconnaître l’idée de suicide
  • Le patient est suivi ou connu pour des troubles psychiatriques avec des antécédents de troubles à tonalité dépressive, voire des antécédents de tentatives de suicide : c'est le cas le plus aisé.
L'interrogatoire abordera naturellement le thème sous différentes formes : " Avez-vous des idées noires ? Pensez-vous ( à nouveau) à la mort ou au suicide ?" . Souvent le patient suicidaire n'exprime pas clairement ses idées, mais s'exprime de façon indirecte dans un contexte de désespoir . " Je me sens inutile, je suis devenu une charge pour l'entourage, je souhaite dormir longtemps, veut rejoindre un être cher …"
  • Le patient est connu et suivi régulièrement pour des troubles organiques sans la moindre connotation anxio-dépressive.
L'idée de suicide sera abordée lors d'évènements survenus dans la vie du patient : toutes les situations de ruptures affectives ou sociales et tous les traumatismes ou stress vital - accident - agression. Le médecin évaluera le retentissement de ces évènements sur le psychisme du sujet en étant attentif à l’évolution de l’humeur et la notion de perte d’estime de soi.
Mais la dépression peut être masquée par une présentation somatique.
En l'absence d'évènements importants dans la vie du patient, il convient de dépister
l'idéation suicidaire et la dépression. Elles concernent 20% des consultants , les 2/3 sont méconnus , et 20% sont des malades chroniques .
Le mode de présentation de la dépression en médecine générale passe par le corps, ce qui rend sa détection difficile. Selon une enquête récente un quart des consultants se présentent à la consultation avec des symptômes médicalement inexpliqués . La somatisation représenterait une incapacité d'expression du trouble psychologique.
Le patient donne une explication extérieure à ses troubles psychologiques ou somatiques ( par ex. : asthénie due au surmenage ou à une anémie, manque de magnésium.. ) . Il est gêné pour aborder ces problèmes, il craint d'ennuyer le médecin, il est persuadé que ce n'est pas le rôle du médecin et que celui-ci est impuissant à le prendre en charge .
La crainte des psychotropes incite le patient à ne pas parler de son trouble dépressif.

Reconnaître l’idée de suicide auprès de patients vus rarement ou pour la première fois :
La motivation profonde de la consultation sera attentivement recherchée, chez un patient fréquentant peu les cabinets médicaux. Une symptomatologie même médicalement expliquée peut servir de " ticket d’entrée " ou masquer un état dépression ou suicidaire.
La gêne qu’éprouvent les patients à aborder cette thématique dépression — suicide avec leurs médecins traitants les incite parfois à changer de praticien pour en parler plus librement ( adolescents en particulier, le médecin de famille étant celui des parents ).
Reconnaître l’idée de suicide en garde :
Le médecin généraliste est le premier recours, joignable à toute heure notamment la nuit. Les consultants sont rarement les consultants habituels du médecin de garde. Les situations décrites plus haut se retrouvent avec un sentiment d’anxiété, voire de panique exacerbé chez le patient et parfois l’entourage. La somatisation fait craindre au patient une pathologie grave voire incurable.
La prise en charge débute souvent au téléphone lors de la prise de l’appel, et nécessite de prendre en compte, dès ce moment, l’entourage très inquiet. Après élimination d’une pathologie organique justifiant d’une thérapeutique adaptée, il faut très vite distinguer le caractère plus ou moins actif de ces idées suicidaires ( idées suicidaires passagères - suicide seule solution aux problèmes du sujet — projet suicidaire bien élaboré ).
Deux situations particulières
  • L’adolescent
Les idées suicidaires sont banales à l’adolescence, à condition de ne pas être envahissantes. L’acte suicidaire surprend par son facteur déclenchant souvent anecdotique. La tentative de suicide est le plus souvent impulsive et non préparée.
Les adolescents consultent peu, de préférence un médecin génraliste. Le praticien doit décoder la demande de l’adolescent ; le motif annoncé est souvent éloigné du motif réel de la consultation. Les plaintes somatiques motivent l’essentiel des consultations. A travers un certain nombre d’indicateurs de santé ( santé physique et image corporelle — scolarité et aspects professionnels — activités sportives et loisirs — habitudes de vie — conduites à risque — relations familiales — relations sociales — éléments dépressifs ), l’adolescent sera situé dans son cadre de vie et sa trajectoire. La question d’éventuelles pensées ou gestes suicidaires sera abordée systématiquement.
  • Les personnes âgées
Les données de la littérature montrent un sous diagnostic de la dépression chez la personne âgée et un sous traitement de la dépression de la population en médecine de ville comme en institution ( une personnage âgée déprimée sur cinq est traitée par antidépresseur et le plus souvent à dose insuffisante ).
Les suicidés âgés n'étaient pas plus isolés socialement que les suicidés jeunes ; médicalement 50% avaient consultés moins de 7 jours avant l'acte . A l'inverse des adolescents, les personnes âgées se suicident dans le premier geste suicidaire. Elles ont tendance à ne pas exprimer leurs idées suicidaires et à présenter une symptomatologie trompeuse
( hypochondrie - troubles du caractères - syndrome de glissement ) . Elles parlent plus facilement du sentiment d'inutilité et de la charge qu'elles représentent pour leur entourage ; c'est une manière détournée d'aborder le problème.
Influence de l'attitude du praticien dans l'identification des idées suicidaires et de la dépression.
Le diagnostic positif de l'idéation suicidaire, voire de la dépression semble être une réelle difficulté en pratique quotidienne pour le médecin généraliste. Si la présentation clinique du consultant égare ou retarde le diagnostic, la gêne ou la réticence du médecin à aborder les problèmes psychologiques et le temps nécessaire pour traiter ce problème après une consultation somatique, sont des facteurs non négligeables dans la non reconnaissance du problème.
La communication du médecin influence la reconnaissance des symptômes dépressifs. Selon l’étude de P Carney, le taux de diagnostic de dépression dépend franchement de la façon de communiquer du praticien. Les praticiens ayant un taux de diagnostic de dépression élevé posaient deux fois plus de questions sur les sentiments et les émotions que ceux qui ne reconnaissaient pas la dépression.
Il convient d'améliorer la relation médecin-patient par une formation adaptée dans ce domaine. Des outils diagnostiques adaptés aux contraintes de l'exercice de la médecine générale méritent d'être développés .
La non reconnaissance des syndromes dépressifs et donc de la crise suicidaire reste le problème numéro un du médecin généraliste.

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