" Mes amis , réveillons-nous . Assez d'injustices ! " L'Abbé Pierre

lundi 22 décembre 2014

La colère de Recep Tayyip Erdoğan à Davos : un autre qui a le courage de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas !

La colère de Recep Tayyip Erdoğan à Davos : un autre qui a le courage de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas !



Les coups de colère et le franc-parler de Recep Tayyip Erdoğan ne datent pas du Forum de Davos. En décembre 1997, alors qu’il n’était encore que maire d’Istanbul, une citation d’un poème de Ziya Gökalp (“les mosquées sont nos boucliers et les minarets no
s baïonnettes…”), lui avait valu trois mois de prison et plusieurs années de banissement de la vie politique turque. Depuis son arrivée à la tête du gouvernement, en dépit d’un profil plus lisse, Recep Tayyip Erdoğan a régulièrement surpris son monde par des raidissements conservateurs, voire par des coups de gueule sans nuance. Ce penchant naturel s’est souvent manifesté au cours des derniers mois (dénonciation de la mauvaise influence des universités européennes sur les étudiants turcs qui y font leurs études ; souhait, au moment de la journée internationale de la femme, que ses concitoyennes aient toutes au moins 3 enfants ; diatribes répétées à l’encontre du groupe de presse Doğan qui l’accusait d’être impliqué dans le scandale “Deniz Feneri” ; colère contre les journalistes qui lui reprochaient de ne pas se rendre dans des réunions où l’on boit de l’alcool ; sortie très nationaliste contre les manifestations kurdes provoquées par sa visite dans le sud-est fin 2008 …). Ces débordements ont même franchi les frontières turques, mais jusqu’à présent, Recep Tayyip Erdoğan les avait réservés à des assemblées de compatriotes immigrés. Ainsi, à Cologne, en février 2008, le premier ministre avait demandé aux Turcs d’Allemagne de ne pas se laisser assimiler et très récemment en Belgique il avait vertement critiqué l’attitude des pays occidentaux sur Gaza.

L’incident de Davos
La colère du Forum économique de Davos est donc son premier véritable esclandre dans une enceinte internationale. Rappelons-en les causes. Alors qu’il participait à un débat sur la situation au Proche-Orient, le premier ministre turc a été pris à parti par le président israélien Shimon Peres, qui en haussant la voix et pointant le doigt, lui a demandé s’il accepterait que des missiles soient tirés
sur Istanbul. Recep Tayyip Erdoğan n’a goûté ni le ton ni l’attitude et il a commencé à répondre à Shimon Peres, avant d’être interrompu par le modérateur du panel, qui lui a signifié que le débat était terminé. Le leader turc, regrettant qu’un droit de réponse ne lui soit pas accordé, a alors quitté la salle, en disant qu’il ne reviendrait pas à Davos. Par la suite, Shimon Peres lui a téléphoné pour s’excuser et expliquer que sa hausse de ton venait de problèmes auditifs. Tandis que Recep Tayyip Erdoğan a rappelé qu’il respectait Shimon Peres et que son geste concernait surtout le modérateur (en l’occurrence, le journaliste du Washington Post, David Ignatius) qui ne l’avait pas laissé s’exprimer. Mais quelles que soient les causes de l’incident, la conduite du premier ministre turc est désormais très commentée, tant sur le plan international que sur le plan interne.

Un premier ministre excédé par l’attitude d’Israël.
Sur le plan international, il est peu probable que l’incident soit le début d’une rupture de la Turquie avec Israël. Depuis le début de la crise, Ankara a joué de cette attitude ambivalente consistant à durcir le ton vis-à-vis de l’État hébreux, d’un côté, tout en veillant, de l’autre, à maintenir un contact étroit avec la diplomatie israélienne. Ce contact n’est pas rompu et à cet égard on a noté qu’une intervention immédiate du chef d’état major est venue préciser que cette affaire ne remettait pas en cause les engagements mutuels que les deux Etats ont souscrits de longue date.
Pourtant, la du
reté des propos tenus par Recep Tayyip Erdoğan à l’égard d’Israël depuis plusieurs semaines avait déjà amené certains observateurs à se demander jusqu’où et jusqu’à quand la Turquie pourrait continuer à avoir ce genre d’attitude ambivalente. L’incident de Davos relance cette interrogation, car certains se demandent désormais si la position de la Turquie dans son rôle de facilitateur des conflits du Proche-Orient n’est pas réellement atteinte. Dans ce débat, le premier ministre turc a en effet éclipsé le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa (également présent sur le plateau), qui finalement n’a pas osé sortir, pour ce qui est de la réaction du monde musulman à l’intervention de Gaza. Mais Erdoğan apparaît-il pas trop engagé pour pouvoir jouer les médiateurs à l’avenir ? En réalité, plus qu’une véritable évolution de la position diplomatique turque, l’affaire de Davos montre que la Turquie peut parler aujourd’hui beaucoup plus librement que le monde arabe modéré (Egypte, Ligue arabe), car elle joue dans la cour des grands et entend être respectée. Il ne faut pas sous-estimer ce pays qui a la 17e économie mondiale et qui siège actuellement au Conseil de sécurité des Nations Unies. À cet égard, Shimon Peres a sans doute commis l’erreur de parler trop haut et trop fort à un premier ministre excédé depuis plusieurs semaines par une intervention militaire à Gaza qui l’a surpris au moment même où par ailleurs il s’employait à relancer les négociations syro-israéliennes. Ce n’est ainsi pas seulement la justification par Shimon Peres de l’intervention de Gaza qu’Erdoğan a fustigée à Davos, mais aussi le manque de considération que le gouvernement israélien a manifesté à l’égard des efforts de paix déployés par la diplomatie turque au Proche-Orient, au cours des derniers mois. C’est là où il ne faut pas oublier que la colère de Recep Tayyip Erdoğan a répondu à celle de Shimon Peres. Cette attitude inhabituelle du président israélien reflète en fait l’isolement dans lequel se trouve actuellement Israël et les difficultés qu’a l’Etat hébreu à parler même avec son seul allié dans la région. Ces colères de Davos, si elles ne remettent pas en cause les positions formelles des uns et des autres, montrent que l’ambiance diplomatique générale du Proche-Orient est extrêmement dégradée après l’intervention israélienne à Gaza et que la relance de négociations risque d’être une entreprise particulièrement difficile.





 
 

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