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lundi 22 décembre 2014

"les Cinq-Mille", cette élite qui dirige (et coule) la France ?

Qui sont "les Cinq-Mille", cette élite qui dirige (et coule) la France ?




Les auteurs de cet ouvrage, réunis dans un collectif non partisan sous le nom de Simplicius Aiguillon, mettent, pour la première fois, un nom sur les responsables réels du mal dont souffre la France : les 5 000 membres d'une hyperélite française qui dirigent de droit ou de fait le pays, et dont l'archétype est "le Cinq-Mille". Ils sont hauts fonctionnaires, élus, personnalités politiques, grands patrons du public ou du privé, journalistes vedettes et autres communicants, juifs et francs-maçons pour la plupart... Extrait de "Les Cinq-Mille", publié chez Cherche-Midi (1/2).



Qui sont les membres des élites qui nous dirigent et comment agissent-ils ? Cinq mille personnes dominent la société française. Ce chiffre de cinq mille n’a rien d’un recensement nominatif, il résulte de la prise en compte des diverses fonctions, de leur organisation hiérarchique et de leur poids relatif dans les grandes décisions économiques et sociales. Il intègre aussi le haut niveau de rétribution monétaire et/ou en nature obtenu par les décideurs. Il constitue une évaluation qui permet de fixer les idées 1 et illustre le fait que les élites françaises sont incroyablement limitées en nombre, ce qui évoque le microcosme que fustigeait en son temps l’un des leurs, le " meilleur économiste de France 2 ", Raymond Barre.

En raison de leurs caractères et intérêts communs, on les dénommera les Cinq- Mille, faute de pouvoir attribuer à cette élite un nom qu’elle se serait donné elle-même.

En nombre infime à l’échelle de la France, ces cinq mille personnes couvrent néanmoins la totalité des fonctions sociales : administrative, représentative, de production et de communication. Trois mille d’entre eux occupent la sphère publique, dont deux mille prétoriens, scribes ou mandarins ; on ne sait à qui comparer dans les civilisations passées ceux qui se désignent eux-mêmes comme " les grands commis de l’État ". Leur domaine de pouvoir est l’administration de tout ce que l’État contrôle, des fonctions régaliennes à celles qu’il s’est arrogées au fil du temps hors de sa compétence naturelle. La fiscalité, l’enseignement, la gestion de la culture et du patrimoine, la justice civile, pénale et administrative,ainsi que l’armée, mais aussi les entreprises publiques ou parapubliques, sont sous leur joug.

Dans la Rome antique, l’élite prétorienne contrôle le pouvoir politique. Ce sont des faiseurs et défaiseurs d’empereur ; nos grands commis disposent de la même puissance dans la France d’aujourd’hui. On hésite cependant à qualifier l’élite administrative française de garde prétorienne ; certains sont des va-t-en-guerre, mais ce ne sont pas des guerriers. Ils n’ont pas, non plus, la sagesse qu’évoquent les mandarins chinois ni la soumission agenouillée des scribes d’Égypte. La catégorie qui s’en rapproche de plus près est celle des satrapes, autrement nommés " protecteurs du pouvoir ". Pourtant le terme évoque une certaine munificence dont nos élites de grands commis de l’État se gardent soigneusement. " L’État, c’est nous ! " proclament les hiérarques hauts fonctionnaires, tout en dissimulant leur filiation avec le Roi Soleil. La Révolution est passée par là. Elle a inventé le peuple souverain. Par voie de conséquence, pour l’élite, s’assimiler au souverain exige de faire peuple. À cette fin, elle affiche une modestie de rémunération 1. En apparence seulement, car la réalité, on le verra, est tout autre. Un millier d’élus, politiques, syndicats de salariés et patronaux occupent le devant de la scène publique. Ils se revêtent des oripeaux du pouvoir et feignent d’en assumer les conséquences. De fait, l’essentiel de leurs efforts consiste à n’en rien faire. Le clan des trois mille, ainsi composé d’hiérarques et d’élus, forme un patriciat qui vit de la chose publique.

Dans une sphère privée et publique, un millier de communicants se partagent les médias et leur contenu. Ils contrôlent la radio, la presse, la télévision, l’édition. Seul Internet échappe à leur pouvoir absolu, de par son caractère international mais aussi volatil et rebelle aux hiérarchies ; ils y sont toutefois présents et ne sont pas les derniers à en user. Le contenu de la communication est entre les mains d’une élite : ce sont les intellectuels, artistes, sondeurs, lobbyistes et publicitaires qui diffusent la doxa 1 et gèrent l’opinion. Les dirigeants d’Europe 1 et RTL sont des énarques ; Radio France était jusqu’en 2009 dirigée par un énarque ; RMC est dirigée par un HEC, comme France Télévision qui couvre toutes les chaînes publiques. Le président du directoire du groupe Le Monde est un HEC passé par les Inrockuptibles 2 dont un énarque, qui contrôle aussi Le Monde, est le PDG. Les rédactions de toutes ces stations et organes de presse s’autorisent à diriger l’opinion, à dire le vrai. Médiamétrie, qui est l’arbitre des audiences, est dirigée par un HEC.

École de deuxième choix, l’IEP est l’antichambre de l’ENA ; ses diplômés ne sont pas " promus ", ils sont réputés avoir été recalés au concours d’entrée à l’ENA, qu’ils s’y soient présentés ou non. Le Figaro est géré par un IEP, TF1 aussi, comme M6. Les Cinq-Mille, dont ils ne sont pas, s’accordent à leur dénier tout droit à pratiquer de l’information sérieuse. Il est de bon ton de parler du Figaro avec un sourire entendu qui met en doute son objectivité ; on présente TF1 comme une chaîne " commerciale " dont l’information est donc de piètre qualité ; le journal d’information de M6, petite chaîne qui monte, a beau gagner des points d’audimat, dépasser France3 et talonner Antenne2, il n’accède pas à la crédibilité. Ces communicants n’ont pas droit à la norme ISO 5000, ils campent sur un deuxième cercle.

On compte enfin, pour parfaire le chiffre de cinq mille, un millier de décideurs économiques, dirigeants et membres des conseils d’administration des grandes entreprises, notamment publiques ou privées dépendant de la commande publique (concessions et travaux publics) ou encore attributaires d’un monopole (GDF-Suez).

Les deux mille hauts fonctionnaires issus de l’ENA, X-Mines, Sèvres, École militaire, gèrent le pays et sont investis de ses orientations stratégiques. L’économiste Tidjane Thiam, ce Franco-Ivoirien qui dirige le plus gros assureur britannique avec des performances retentissantes, s’autorisant de sa qualité d’X-Mines, juge les élites françaises sans indulgence : " Oxbridge, c’est 6 000 personnes par an, qui étudient trois ans avant d’arriver sur le marché de l’emploi à 21 ou 22 ans, avec un infini respect pour le travail 1. Quand en France, les plus grandes écoles (X, ENA, HEC) c’est un millier de personnes ! Dans une économie du G7 ! Ce que les gens ne comprennent pas dans les approches élitistes du monde, c’est qu’il n’y a pas de plus grande intelligence que l’intelligence collective. Un polytechnicien, tout polytechnicien qu’il est, sera toujours battu face à dix personnes. Dans une foule, il y aura toujours quelqu’un connaissant la bonne réponse à chaque question, comme les travaux de l’écrivain James Surowiecki l’ont démontré 2. "

L’élite, d’une manière générale, est le produit d’une éducation qui inculque une idéologie porteuse d’un panel d’idées reçues et d’éléments de langage. L’entre soi a pour principal objet la reproduction de l’ordre social. On peut établir un parallèle entre le noyau familial et les conseils d’administration des sociétés du Cac 40, ou la haute fonction publique. Comme dans les mariages, pour que le patrimoine soit préservé, il ne faut pas qu’il y ait de mésalliance. L’élite assurée de son homogénéité se perpétue grâce à des structures sociales qu’elle tend à pérenniser en leur conférant une légitimité. Les élites ne sont pas seulement un fait social, elles ont une fonctionnalité. Pour remplir leur office, les élites ont pour mission de conduire, valoriser et protéger. À ces fins, leurs membres occupent des positions de pouvoir ou d’influence, ce qui implique qu’ils soient les meilleurs de chaque génération, et constituent une aristocratie du mérite ; ainsi leur mode de sélection et leur capacité à se renouveler constituent un élément déterminant de leur efficacité. En contrepartie du service rendu, les élites disposent de privilèges acceptés dans l’allégresse si leur action est bénéfique, mais insupportables quand la population est confrontée aux conséquences de leur échec.

L’action des élites sur la société, sans être concertée, est globale, elle produit une doxa d’où s’induisent une organisation sociale et des institutions de même que, par un mécanisme mimétique, elles génèrent des comportements similaires de la part de sous-élites qui, à l’image de cercles concentriques dans un liquide, propagent et parfois caricaturent leurs discours et pratiques.

Se demander pourquoi le pays apparaît comme médusé dans un contexte qui exigerait une particulière réactivité, de l’inventivité et en tout cas une volonté d’ouverture, conduit à s’interroger sur les spécificités des élites françaises et à évaluer leur impact sur la situation actuelle. Recrutés dans les grandes écoles, ou cooptés pour leur conformisme, les Cinq-Mille ont une rémunération qu’ils perçoivent en argent, pour une part, car il s’y ajoute des usufruits qui leur assurent un train de vie princier. En effet, la jouissance des actifs accumulés par l’État permet à ceux qui en ont le contrôle de disposer d’avantages en nature considérables. Ceux des Cinq-Mille qui appartiennent 1 à la haute fonction publique accèdent à une qualité de vie qu’un revenu de 500 000 à 3 millions d’euros par an ne pourrait qu’avec peine leur assurer ; leur niveau de retraite est élevé et correspond à une capitalisation massive ; ils jouissent d’un accès privilégié à la direction des grandes entreprises 1. Au total, cette communauté de privilégiés partage le même mode de vie, la même culture, les mêmes centres d’intérêts, les mêmes discours convenus, les mêmes illusions. Sans qu’une concertation soit nécessaire, leurs réflexes tendent à préserver des avantages acquis de tous ordres. Ce comportement simplement humain est naturel et ordinaire, il est le fait d’individus normaux dont les intérêts immédiats convergent vers un statu quo qui les protège. Cependant, les responsabilités de l’élite lui refusent le droit à la normalité ; les qualités de ses membres sont hors normes et devraient les pousser à de plus hautes ambitions pour les destinées du pays dont à un titre ou à un autre ils maîtrisent le sort. Hélas, dépourvus de grand dessein qui leur offrirait l’occasion de se transcender, les Cinq-Mille n’ont d’autre horizon que leur sort personnel. Cette situation fondamentalement égoïste n’est pas assumée au grand jour. Ces aristocrates d’aujourd’hui s’abritent derrière une modestie et un désintéressement de façade conforté par un discours moralisateur qui prend appui sur une générosité sans limite dans l’usage des deniers publics. Loin d’atteindre son objectif de réconciliation sociale, cette attitude s’est révélée profondément anxiogène.

Le journaliste Yvan Stefanovtich, auteur de plusieurs ouvrages sur le gaspillage de l’argent public, décompte 15 000 hauts fonctionnaires, pour lesquels il retient des rémunérations de 6 000 à 45 000 euros par mois, mais cette fourchette est loin d’être significative ; il n’y a pas d’homogénéité entre les extrêmes. L’estimation est trop large. Par exemple, il dénombre au Sénat 350 hauts fonctionnaires et 870 petits fonctionnaires. Le chiffre d’ensemble est confirmé par le n° 887 de la Revue Parlementaire qui compte 1 222 fonctionnaires, près de quatre collaborateurs par sénateur 2. De fait, les hiérarques qui contrôlent le Sénat ne sont pas plus que trente, dont dix-sept secrétaires généraux et directeurs ; la preuve en est que seuls vingt-huit bénéficient d’appartements de fonction (de 120 à 290 m²) avec vue sur le jardin du Luxembourg pour un loyer de 600 euros par mois, parking et charges comprises, précise l’auteur d’Aux frais de la Princesse 1. On le vérifiera plus loin, le logement privilégié est en France, d’une manière générale, un signe distinctif d’appartenance à l’élite et un élément de son statut.

Les hiérarques sont indifférents aux fluctuations politiques. Ainsi, c’est dans un parfait consensus souligné par un communiqué de la Haute Assemblée que le 12 décembre 2012, le Sénat a procédé à douze nominations de secrétaires généraux et directeurs de service à la suite de départs à la retraite, les changements de postes ne devenant effectifs qu’à la fin des fonctions de chaque intéressé, indice irréfragable de la propriété des offices.

Les avantages exorbitants dont profitent les employés du Sénat sont dénoncés de toutes parts. L’habileté des hiérarques, véritables décideurs, est de faire profiter le petit personnel d’avantages pour noyer les leurs dans la masse. Les hiérarques ont une immense supériorité sur les autres Cinq-Mille, ils sont anonymes. Les élus, les communicants et dirigeants d’entreprise de premier rang sont identifiés par la vindicte populaire. Les ressentiments se cristallisent sur certains individus, alors que personne ne peut citer quels abus aurait commis tel ou tel haut fonctionnaire. C’est à croire qu’ils sont le seul groupe humain sur la planète qui n’en commet jamais. Même si, confusément, le citoyen ressent une immense frustration vis-à-vis de l’Administration, il s’en prend au guichetier qu’il connaît, jamais à son directeur, véritable organisateur du service, et encore moins au directeur de cabinet du patron de la Poste. Les hiérarques ont retenu la leçon des gradés américains qui dans la guerre du Pacifique se protégeaient des snipers japonais en s’habillant en simples soldats.

Le Sénat est significatif du rapport à la chose publique des élites administratives, il n’est qu’un exemple parmi d’autres, et seulement plus visible, d’un phénomène général.

Extrait de "Les Cinq-Mille", Simplicius Aiguillon, publié chez Cherche-Midi, 2014. 
 
 
 
 
 

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