Dans un entretien au "Guardian", le philosophe et sociologue allemand Jürgen Habermas juge l'accord signé lundi entre la Grece et ses créanciers "toxique", et se montre très critique vis-à-vis du gouvernement d'Angela Merkel.
L’accord conclu lundi entre la Grèce et ses créanciers est "toxique". Dans un entretien au Guardian publié jeudi, le philosophe et sociologue allemand Jürgen Habermas, qui commente peu l’actualité politique, s’attaque pêle-mêle à la gestion de la crise grecque et au gouvernement allemand. Selon lui, l’accord signé lundi, qui prévoie un nouveau plan d’aide pour la Grèce en échange de mesures d’austérité rejetées par le référendum du 5 juillet est "destructeur".
Cet accord "contredit ouvertement les principes démocratiques de l’Union européenne" et n’a pas de sens d’un point de vue économique, juge le penseur, figure du mouvement étudiant allemand de la fin des années 1960. Il y voit un "mélange toxique entre des réformes structurelles nécessaires et des mesures néolibérales qui décourageront complètement un peuple grec déjà épuisé, et tuera dans l’œuf tout élan de croissance." "Forcer le gouvernement grec à donner son accord à un fonds de privatisation, économiquement discutable et éminemment symbolique, ne peut être compris que sous l’angle d’un châtiment décrété contre un gouvernement de gauche", analyse le philosophe, qui réclame une restructuration de la dette grecque.
Transformer "l’union monétaire en union politique"
Jürgen Habermas, qui avait déjà désavoué la politique d’Angela Merkel par le passé, se montre également très critique vis-à-vis du gouvernement allemand, qui a "dilapidé en l’espace d’une nuit tout le capital politique qu’une Allemagne meilleure avait accumulé depuis un demi-siècle". Les précédents gouvernements allemands, note-t-il, avaient démontré "une plus grande sensibilité politique".
Interrogé par le quotidien britannique sur la nature de la crise en Europe, le penseur allemand met en cause les politiques néolibérales de dérégulation et de mauvais choix politiques. Il accuse les dirigeants européens, d’être incapables d’agir dans l’intérêt d’une communauté européenne car "trop occupés par leur électorat national", ainsi que les institutions de l’Union européenne, trop technocratiques. "Les décisions essentielles sont prises par le Conseil européen, la commission et la BCE - en d’autres termes, les institutions qui manquent soit de légitimité pour prendre de telle décision, soit de base démocratique", déplore-t-il.
Sur les remèdes à apporter à ce "piège politique" dans lequel se trouve l’Europe, Jürgen Habermas réclame un changement radical de direction politique. Selon lui, le "déficit de démocratie et à l’augmentation des inégalités sociales" ne peut se résoudre qu’en transformant "l’union monétaire en union politique", pour aboutir à une Europe mieux intégrée, sans sacrifier, comme c’est le cas actuellement, l’Etat-providence.
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