Je ne vais pas bien. Je suis souvent triste. Je traîne. Je cherche à m’isoler. Mon cœur bat fort, cogne à m’en faire mal ; je le sens qui bouge comme s’il était devenu fou d’angoisse, et qu’il se débattait tout seul contre le danger qu’il pressent; mes oreilles bourdonnent au point que le silence est insupportable, qu’il faut que je cherche le sommeil avec des écouteurs, pour écraser le sifflement intolérable qui ne lâche pas; je cherche ma respiration, j’étouffe, je tousse. Je me sens malade. Je ne dors pas – et il faut pourtant que je dorme, je ne me le reproche pas, je suis malade, épuisé. Je passe des journées particulièrement difficiles, où je pleurerais avec plaisir, par terre, plié en deux, jusqu’à m’arracher et vomir le cancer qui me ronge. Mais rien ne vient.J’ai déjà trop pleuré…Je ne me rappelle de rien, je ne connais pas ce cancer, il n’a pas de nom, et par conséquent, je rêve souvent, tout le temps, et parfois je crie, je me débats, je gratte le lit, comme un tout petit enfant terrorisé le ferait, comme si je pouvais déchirer le matelas, m’y enfoncer et me terrer dans son ventre. Je sens le cauchemar trop terrible pour m’y laisser mourir. Alors je me releve . Mais, paradoxalement, quand je traverse de ces longs moments d’affolement, je cherche à m’isoler, comme si c’était là la seule façon d’affronter le danger, de le voir venir . Certes je ne suis plus seul avec un désir si fort, si tragiquement solitaire, qu’il en est mortel, sans doute suicidaire.
Ma sœur est morte .
Mon père est mort pour moi aussi . Il n’assumait jamais ce dont il est responsable. Il m’a écrit, trois fois ou quatre fois dans mon enfance , de longues lettres, des tissus de mensonges, destinés à ne lui assurer que son propre acquittement , son salut . Ses lettres ne s’adressaient jamais vraiment à moi, évidemment, mais à tous les autres, ceux et celles qu’il met en copie conforme. Elles les désinforment, les manipulent, jouent avec les faits, inventent et trompent, confondent et troublent ceux et celles qui sont appelés à le croire, lui. Et ça fonctionne. Dans ma famille, je suis abandonné. Je suis le mauvais garçon ...ma sœur est morte…elle ne pourra plus temoigner pour moi , temoigner de la souffrance que notre père nous a fait vivre de notre enfance jusqu’à meme aujourd’hui , l’humiliation son sport favori…
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