Il y a longtemps que je voulais écrire ce billet, le faire court et clair, en évitant toute polémique – ce qui n’est évidemment pas le but de ce blog. Mais je publierai, ça va de soi, tout commentaire critique qui divergerait d’avec mon modeste point de vue.
Je ne suis pas un spécialiste, ni en droit, ni en psychologie. J’ai beaucoup souffert à certains moments dans mon enfance et aujourd’hui encore depuis plusieurs mois. Je me suis fait mes propres thérapies – une amie médecin me disait d’ailleurs un jour , sourire en coin, que j’en savais probablement plus que bien des docteurs patentés – et je finis toujours par conclure que la « grandeur de l’Homme est grande en ce qu’il se connait misérable (Pascal) ».
Je suis surtout un citoyen, membre d’une société civile qui a des valeurs dites communes, qui a des lois dont le rôle, crucial, est de juger équitablement sur la base du principe, essentiel, que toute personne est considérée innocente jusqu’à preuve, documentée et jugée, du contraire.
Je tiens donc à dire, à spécifier, à clarifier ma position concernant la divulgation d’informations nominatives et criminelles, par les media écrits, radiophoniques ou télévisuels, contre quelque être humain que ce soit, mon semblable à ce titre, qualité évidemment fondamentale, incontournable, qu’il s’agisse aussi bien d’un homme que d’une femme, même récidiviste, qui soit accusé de violences sexuelles , ou d’autres types de crimes cruels, affreux, bien souvent déments. Le traitement de l’information concernant ces causes, avant procès, et ce, même à la télévision , traitement qui jouit du scandale et du caractère scabreux, parce que sexuel ou meutrier souvent, de ces affaires, peut être à son tour un terrible crime contre les victimes, et je parle ici de toutes les victimes, des deux sexes et de tout âge, qui peuvent se sentir interpellées, atterrées, anéanties même, parce que coupables de la forme scandaleuse que prend la dénonciation et la haine publique qu’elle soulève.
Je me dissocie de toutes les réactions de droite ou de gauche, souvent cyniques et intéressées, au sens le plus vulgaire du terme, et qui jugent fondés les rapportages publics ( et je dis bien, oui, rapportage ), les bûchers journalistiques, attisant les joies primaires de mises à mort virtuelles, de bannissements de la cité sous les huées des bonnes gens à qui on a assuré, d’avance, de leur bonne foi et leur impunité. C’est là la forme moderne de la vengeance arbitraire, du type œil pour œil, coup pour coup. C’est parfois de la barbarie. Quand je lis ou j’entends ce type de reportages, je suis indigné sinon même attéré. Je ne suis certainement pas le seul à réagir comme cela, bien au contraire, on doit être nombreux à réagir encore par la peur à la dénonciation, par la terreur si la dénonciation est démagogique et se nourrit de la peur et de la violence gratuite . Les victimes sont sacrifiées à la nouvelle sensationnelle, qui rapporte de la notoriété, de la cote d’écoute, du fric. C’est à cause de ça, du fric surtout, que le type d’information que je dénonce ici est parfaitement immoral, complaisant à l’endroit d’une opinion publique que l’on a pu, de tout temps, déchainer bien facilement contre l’œuvre de chair et de Satan. Les victimes n’ont, dans le processus, aucune espèce d’importance réelle, et leur dignité en prend tout un coup. Elles restent des objets laissés à la libre jouissance de tout un chacun – consommateurs payeurs de nouvelles qui appellent au sexe et au sang.
Je me raconte sur ce blog, en ce moment sous anonymat , pour m’identifier tout en protégeant mon entourage, pour incarner mon récit dans le réel et l’humaniser. Je suis resté honnête, décent mais si parfois un peu violent parce qu’indigné par la cruauté de l’etre humain. J’ai souvent montré la violence de la tragédie et son ambiguïté , les causes non pas pour justifier mais plutôt pour eviter que ces tragedies ne se reproduisent (même si je ne me fais pas d’illusion sur la condition humaine) , des sentiments ambivalents à l’endroit des assassins , et des besoins des victimes carencés, manipulés, trompés, précipités dans l’abîme .
Raconter, dénoncer, éventuellement porter plainte, oui, bien sûr. Rester prudent, faire attention à soi, pour ne pas s’abuser soi-même, se blesser davantage, oui. Ne pas frauder à son tour ni extorquer quoi que ce soit qui ne règle rien, oui. Obtenir cependant compensation en justice, devant ses pairs, oui. Se reconnaître le droit de dire et de raconter sa souffrance et d’obtenir le soutien réel, concret, aimant, de ses proches, oui. La vérité a ses droits, bien évidemment.
Mais dans un État de Droit, où la civilisation, quand même, a fait des progrès de justice et de tolérance, la vérité se dit dans le respect d’elle-même, de la loi, et des gens – et singulièrement, des victimes d’actes criminels.
Jamais, jamais, je ne m’associerai à des campagnes de droite, obscènes et indignes, contre les arabes ou les juifs. Par contre,jamais, jamais, je ne placarderai de photos d’assassins sur la place publique sans certitude de leur crime donc sans jugement legal,juste et équitable. Jamais. C’est dire les limites que je m’impose en rédigeant ce blog, c’est dire ce que sont mes valeurs fondamentales.
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