Sans révision des Traités, la crise politique qui traverse à peu près tous les pays d’Europe ne fera que s’aggraver avec des conséquences incalculables.
Alexis Tsipras refuse de diminuer les retraites, de réduire les salaires, d’augmenter la TVA… Aurait-il l’idée saugrenue d’appliquer le programme sur lequel il a été élu ? Il semble que oui ! On avait perdu l’habitude en Europe ! Les appels venus de Berlin, de Bruxelles et du FMI sont donc restés sans effet. Alexis Tsipras tient bon.
L’euro connaît ainsi sa nième crise. L’histoire de l’euro n’est qu’une succession de crises ! Comment en serait-il autrement ? La zone euro est la seule région du monde où l’on s’acharne à maintenir des parités monétaires fixes entre Etats souverains, de surcroît tous très différents les uns des autres. Partout, la mondialisation s’est accompagnée de la flexibilité des parités monétaires. Le résultat pour la zone euro, c’est une croissance inférieure à celle des Etats-Unis, des inégalités régionales insupportables et des tensions intra-européennes qui s’exacerbent.
Certes, l’euro ne doit pas être le bouc émissaire de nos propres erreurs. Le peuple grec a bien entendu sa part de responsabilité dans la crise actuelle. Mais, il est non moins évident que si la Grèce n’avait pas appartenu à la zone euro la crise aurait été de moindre ampleur. La politique de taux unique de la BCE des années 2000 convenait à l’Allemagne qui devait financer sa réunification, elle ne convenait pas aux pays d’Europe du sud. Quant aux mesures imposées avec obstination par la Troïka depuis cinq ans, elles ont conduit à la destruction du quart de la richesse nationale. Un vrai désastre. Au minimum, les responsabilités sont donc partagées. Cela aurait du conduire les dirigeants européens à un peu d’humilité dans les négociations en cours.
Au lieu de cela, au lieu de tirer les leçons des échecs récents et de prendre acte du vote du peuple grec, les dirigeants européens ont continué à s’arc-bouter sur une lecture intégriste des " règles " de la zone euro, chères à Angela Merkel. Comme si rien ne s’était passé ! Pour se redresser, l’économie grecque n’a pas besoin de nouveaux emprunts. Elle a au contraire besoin d’un allègement de la dette, c’est-à-dire d’une renonciation partielle de la part des créanciers. Pour retrouver sa compétitivité, l’économie grecque n’a pas non plus besoin d’un nouveau plan d’austérité. Elle a besoin d’une dévaluation monétaire. Ces constats ne sont pas révolutionnaires. Ils sont ceux d’économistes et de politiques de tous bords, de gauche, de droite ou du centre ! Valéry Giscard d’Estaing lui-même a suggéré que l’on propose à la Grèce une sortie amicale de l’euro. Si l’Eurogroupe proposait demain 1/ un abandon de créances de moitié, 2/ une sortie concertée de l’euro, 3/ l’application du programme de réformes proposées par Aléxis Tsipras lors des dernières séances de négociation, il ne fait aucun doute que la Grèce pourrait renouer rapidement avec le " miracle grec ".
Il reste encore quelques jours pour se décider à regarder les réalités en face, sortir de l’idéologie, laisser de côté un Mémorandum qui a échoué et explorer ces pistes. Y a-t-il un dirigeant européen qui ait assez de force de caractère pour s’exprimer dans ce sens ? C’est malheureusement assez improbable. En cas d’échec, viendra l’heure des comptes. Il faudra expliquer aux citoyens français comment la France a pu prêter à perte plus de 60 milliards d’euros en cinq ans (part de la France dans les prêts bilatéraux, les financements du FESF, ceux de la BCE, les soldes Target2). Une dette qui n’est même pas comptabilisée dans la dette publique ! 60 milliards, c’est un montant proche de l’impôt annuel sur le revenu, près de 100 fois le montant de la récente réforme des allocations familiales. Non seulement l’euro fonctionne mal mais il coûte cher. La démocratie exige là aussi que les citoyens aient leur mot à dire pour tirer les leçons de cette expérience désastreuse.
Si, après tant d’échecs et de promesses non tenues, les citoyens de la zone euro revendiquent à nouveau plus de démocratie, ce sont les Traités qui devront évoluer. Il faut que l’on cesse, comme on le fait depuis au moins une dizaine d’années, d’ajuster la vie démocratique sur les Traités. C’est l’inverse qui doit se produire. Les traités ne sont pas immuables. Au cours des années 1920, les pays vainqueurs auraient été bien avisés de revoir les réparations financières imposées par le Traité de Versailles... Sans révision des Traités, la crise politique qui traverse à peu près tous les pays d’Europe ne fera que s’aggraver avec des conséquences incalculables.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire